Mon cher journal | #5 Le lémurien anxieux
L’épisode où Clémentine choisit l’option des gens normaux.
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Mon cher journal,
Parfois, j’ai du mal à comprendre les gens. Enfin, certaines personnes. Enfin, Lenny.
J’avais une envie dévorante de me venger de son vol de mes fichiers au travail en rayant méthodiquement la carrosserie de sa voiture, voire d’y faire des dessins grossiers, mais ma maman m’a toujours appris de ne rien faire sous le coup de la colère, de laisser décanter avant. Je ne suis pas d’accord sur tout avec elle, mais sur ce point, je pense qu’elle a raison (j’ai dû me rendre à l’évidence la fois où mon premier amoureux m’a larguée, quand j’étais en 3ème, et que ma vengeance s’est retournée contre moi lorsque la moitié du collège s’est mise à m’appeler Mandarine quand je passais dans les couloirs).
J’ai aussi pensé à chercher un gars moyennement honnête pour casser la gueule de Lenny contre rétribution, mais une petite voix au fond de ma tête m’a fait réaliser que c’était peut-être excessif.
Bref, après une réflexion salutaire, j’ai choisi l’option des gens normaux : aller voir Lenny et lui demander pourquoi il m’avait volé mes fichiers et les avait cachés au fin fond de son ordi.
La première partie du plan, aller le voir, n’était pas bien compliquée puisque nos bureaux sont côte à côte. Par contre j’ai quand même choisi le timing : un moment où les autres étaient à la machine à café, mais où Christian, notre boss, n’était pas très loin, au cas où la discussion tournerait au vinaigre. Ben oui, accuser son collègue d’avoir piqué son taf, c’est quand même un peu touchy.
Dès que je me suis tournée vers lui et que j’ai approché ma chaise à roulettes, Lenny a sursauté tel un lémurien anxieux. J’ai eu la vague impression de ressembler à une mante religieuse prête à le manger tellement il avait l’air effrayé. Je ne suis pas épaisse, mais laisse-moi te dire qu’il l’est encore moins que moi. Franchement si j’avais voulu en venir aux mains, j’aurais eu facilement le dessus. Il s’est recroquevillé sur sa propre chaise, ne sachant visiblement pas à quoi s’attendre. Mais l’air louche. L’air de quelqu’un qui a quelque chose à se reprocher.
J’y suis allée franco et je lui ai tout déballé. Et là, ça été le drame.
Lenny s’est mis à pleurer. Mais, vraiment. Avec des grosses larmes qui coulaient sur ses joues et des hoquets. Je m’attendais vraiment à tout sauf à ça. Il a reconnu avoir piqué mes fichiers. Jusque-là c’était simple, de toute façon j’avais déjà la preuve. Mais c’est quand il m’a raconté la suite que c’est devenu plus intéressant. Ou plus bizarre, je ne sais pas trop.
En fait Lenny travaille depuis sept ans à l’agence, et moi depuis deux ans. Et il m’a avoué qu’il avait été dégoûté quand Christian m’a confié la mission de l’identité visuelle de cette start-up au lieu de lui donner le dossier à lui. Ok, j’ai trouvé ça mesquin mais bon, personne n’est parfait.
Le truc étonnant, c’est que Lenny continuait à pleurer. Tellement, que, alors que c’est lui qui avait fait un truc malhonnête, c’est moi qui me sentais coupable de le mettre dans cet état-là. Le comble !
Et puis, à un moment, il a marmonné quelque chose d’incompréhensible, du genre « t’sais pas tout, ch’suis pas ouf ». J’allais lui dire que, quand même, non, bla bla bla … quand il a répété plus fort : « C’est pas tout. Je suis jaloux. » Et là mon cher journal, tu es en droit de te dire comme moi, WTF ?
Tu ne croiras jamais les mots qui sont sortis de sa bouche après ça ! Moi-même, il m’a fallu un bon moment pour me remettre du choc.
Lenny m’avoué que je lui plaisais. BEAUCOUP. Et qu’il n’avait jamais osé me le dire. Que c’est pour ça qu’il me regardait tout le temps sans que je le voie (je m’en étais bien rendue compte, mais je pensais juste qu’il faisait ça parce qu’il était bizarre). Et que m’entendre raconter à Chantal mon date avec Etienne a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Bref, la jalousie l’a aveuglé et il a agi impulsivement pour se venger. Se venger de quoi exactement, je ne sais pas puisque ça n’a aucun rapport. Quoi qu’il en soit, il a aussitôt regretté et a vécu dans la peur que je le découvre depuis. De toute façon, ça, c’est fait.
Je peux manquer de tact dans la vie en général, mais là j’ai senti qu’il fallait que je donne tout. Je l’ai donc repoussé gentiment en lui disant que je n’éprouvais pas ce type de sentiment pour lui (doux euphémisme, surtout avec tout le temps où je l’ai vu se couper les ongles des pieds au bureau, mais ça je l’ai gardé pour moi, il avait l’air suffisamment en détresse). Je lui ai dit que je ressentais juste de l’amitié. J’ai légèrement exagéré cette partie mais je sentais qu’il avait besoin d’un remontant.
Comme à force, on n’était pas discrets, j’ai fini par dire aux autres que Lenny était triste parce que son hamster était mort et que je l’emmenais faire un break à la boulangerie – salon de thé d’en face.
Pendant qu’on marchait en silence, j’ai réfléchi vitesse grand V pour trouver une solution. Rien.
La lumière m’est venue alors qu’on était attablés. C’était évident ! La meilleure façon que Lenny détourne son attention de moi était de l’aider à trouver quelqu’un d’autre. J’ai d’abord pensé à lui refiler le tel d’Anaé mais bon, ce n’aurait pas été cool pour elle.
Alors j’ai fait simple (enfin, je cois). Je lui ai proposé mon aide pour trouver l’amour qui l’attendait probablement quelque part alors qu’il l’ignorait encore (oui, j’ai un peu survendu le truc).
Le problème, c’est qu’il a accepté.
Clémentine
PS : au salon de thé j’ai pris un muffin pour Lenny. J’ai l’intuition qu’il ne sait même pas se faire cuire des pâtes et que c’est pour ça qu’il est si maigrelet.
On co-écrit la suite ? 😀
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PS : moi c’est Myriam 👋. J’écris des histoires qui font du bien, et je suis en train de mettre le point final à mon premier roman. Si tu as envie d’entrer dans les coulisses de son écriture, c’est sur Insta que ça se passe 😊.
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