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Mon cher journal,
Finis pour moi travail, encollage de papier peint, courses au supermarché, et j’en passe. Me voilà désormais à manier avec autant de précautions qu’une poupée en porcelaine…
Je t’explique : il y a trois jours, j’avais le rendez-vous de contrôle chez ma gynéco. Elle m’ausculte (d’ailleurs, malgré les rendez-vous qui passent, j’ai toujours autant de mal à faire comme si ce moment était tout à fait normal, allongée sur une table de médecin, sans culotte, avec deux doigts d’une personne que je ne connais pas à l’intérieur de moi) et à un moment, son visage se fige, mais elle ne dit rien. Après rhabillage et retour sur le siège devant son bureau, elle m’annonce la mauvaise nouvelle. Mon col s’est tassé. Je demande des précisions. Déjà, on parle du col de l’utérus. Elle m’explique qu’en temps normal, il doit mesurer 4 à 5 cm. Et le mien est plutôt à 3 cm. Et que ça signifie qu’il faut désormais que je sois très vigilante à ne pas faire d’effort ni rester debout trop longtemps (du style, la moitié de la journée c’est déjà trop) pour ne pas que ça s’aggrave, parce que le risque, c’est que ma cacahuète sorte prématurément. Et qu’elle est trop petite pour ça.
J’ai sûrement l’air de te raconter tout ça avec un certain détachement, mais c’est parce que ça fait trois jours, et que j’ai eu le temps de digérer l’info et de me renseigner un peu plus sur le sujet, ce qui m’a (un peu) rassurée. Mais la vérité, c’est qu’aussitôt la porte du cabinet franchie, j’ai fondu en larmes.
Dans la rue, j’ai essayé de trouver un encadrement de porte d’immeuble au calme pour téléphoner à Jules. Il décroche toujours quand j’appelle, même quand il est avec un patient. Mes larmes ont redoublé quand je lui ai raconté ce que m’avait dit la gynéco. Outre le fait qu’il m'a immédiatement rassurée, cet homme mérite une médaille pour seulement avoir compris un mot de ce que je lui racontais entre deux sanglots. Même avec un col tassé, on pouvait mener une grossesse à terme. Il fallait bien respecter les consignes : rester allongée la moitié de la journée, ne pas faire d’efforts physiques, me reposer. Il m’a dit qu’il était là, qu’il me chouchouterait, et qu’il me nourrirait lui-même de pâte à tartiner à la cuillère si ça pouvait m’aider à me détendre. Qu’est-ce que je l’aime !
Donc, tu penses bien, j’applique à la lettre ce que la gynéco et lui m’ont dit. Je veux garder notre cacahuète bien au chaud le plus longtemps possible. Je reste donc au lit le matin, je m’allonge l’après-midi. La position horizontale est devenue ma norme.
Notre chance dans tout ça, c’est qu’on avait pu déménager le plus gros des meubles juste avant. Donc Jules continue d’aller chercher les quelques trucs qui restent dans nos anciens apparts et de ranger, mais tout est suffisamment OK pour qu’on puisse habiter dans notre nouvel appart.
Lenny et Chantal sont passés me voir quand ils ont appris que j’étais en arrêt de travail. Ils sont trop choux. Lenny m’a apporté une fournée de sablés à la pâte à tartiner, le tout fait maison. Mes papilles ont défailli de bonheur quand j’ai enfourné un biscuit entier avec la pâte sablée juste comme il faut et le mix chocolat — noisette onctueux juste comme il faut aussi. C’était tellement bon que j’ai émis un petit gémissement de plaisir. Du coup, je lui ai dit qu’il devrait essayer de participer à l’émission "Le meilleur pâtissier". Il a rougi de fierté mais a détourné le regard du style « non mais tu exagères, tu dis ça pour me faire plaisir ». S’il ne le fait pas, je l’inscrirai moi-même à son insu, parce que notre ex-expert en nouilles chinoises reconstituées à l’eau chaude s’est découvert un vrai talent caché.
Lenny m’avait apporté autre chose aussi : une paire de jumelles. Devant ma perplexité, il m’a expliqué qu’avant que je l’aide à avoir une vie amoureuse et sociale, pour s’occuper, il regardait les gens dans la rue avec des jumelles depuis chez lui. Je ne lui ai pas demandé s’il regardait aussi les gens chez eux, dans les immeubles d’en face, mais ce serait tout à fait plausible. Après tout, il se coupait bien les ongles des pieds au boulot ! Il y a eu beaucoup d’éducation à faire chez lui.
Bref, il m’a amené ses jumelles pour que je puisse m’occuper en regardant les gens dans le parc en face de chez nous. OK, why not ?
Bon, je vais t’avouer quelque chose, Mon cher journal, j’ai effectivement utilisé les jumelles aujourd’hui, mais dans un autre but. Ce matin, j’ouvrais les fenêtres pour aérer (ça, j’ai encore le droit de le faire), quand j’ai entendu une voix familière dans la rue. C’était Clément. J’ai vite attrapé les jumelles pour mieux voir, parce qu’il était avec… son coloc ! Oui, parce que j’ai cherché le nom inscrit sur la boîte aux lettres sur Google et ça m’a amené à un gars sur LinkedIn. Et là en bas, pas d’erreur possible, c’était bien la même tête que sur la photo de profil. Pourquoi Cément a un coloc ? Mystère ! Mais ce n’est pas le plus gros choc. J’ai entendu un morceau de leur conversation. Le coloc en question disait « Qu’est-ce qu’elles veulent diriger des boîtes, ces femelles ? Qu’elles restent à la maison s’occuper des gosses et qu’elles laissent aux hommes ce qu’ils savent faire ! ». Ce à quoi Clément a acquiescé et ri.
Je me suis assise, comme si j’avais reçu un coup sur la tête. Que Clément se comporte comme un connard, je le savais déjà, mais qu’en plus il traîne avec des gars masculinistes qui pensent qu’une moitié de l’humanité est incapable par rapport à l’autre moitié, ça m’a séchée !
J’ai vite appelé Johanna, la sœur de Jules, pour lui raconter, et elle était aussi atterrée que moi. On a commencé à échafauder des plans pour lui faire comprendre qu’il allait trop loin, mais Jules a tout de suite mis le holà. Il m’a dit que si je voulais imaginer des plans tordus par rapport à Clément, c’était mon droit, mais que par contre, ce n’était pas du tout le bon moment pour le faire, puisque mon programme pour les trois prochains mois était position allongée, repos, et détente.
Je me voyais déjà imprimer la page Wikipédia sur la journée internationale des droits des femmes et lui glisser dans sa boîte aux lettres avec un mot du type « pour s’éduquer », mais effectivement, rien que de me remémorer leur conversation dans la rue, ça me fait tellement monter dans les tours que je vais laisser courir pour l’instant. Par contre cette histoire de coloc m’intrigue, je vais quand même creuser à mes heures perdues.
Finalement, je me suis allongée sur la méridienne du canapé. Jules a fait une pause de vidage de cartons, et il est venu près de moi, m’embrasser dans le cou et caresser mon ventre avec sa main. Notre cacahuète a choisi ce moment pour faire un peu de tambourin, comme si elle voulait nous signifier qu’elle savait que son futur papa était tout l’inverse de ces abrutis qui habitent au sixième étage. Et ça m’a fait rêver du jour où tous les hommes auraient les mêmes valeurs que lui.
Clémentine
PS Je suis enfin arrivée au terme de mes recherches gustatives : Lenny avait saupoudré ses sablés de noisettes grillées. C’est l’ultime bonheur.
On co-écrit la suite ? 😀
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Pour occuper son temps allongée, Clémentine..
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PPS Moi c’est Myriam 👋. J’écris des histoires qui font du bien, et je suis en train de mettre le point final à mon premier roman. Si tu as envie d’entrer dans les coulisses de son écriture, c’est sur Insta que ça se passe 😊.
Rendez-vous dans 15 jours pour un nouvel épisode !