Mon cher journal | #4 Vol de nuit
L’épisode où Clémentine espionne.
Tu viens de découvrir “Mon cher journal” ? Commence par lire l’épisode 1.
Mon cher journal,
Je pense très sérieusement à me reconvertir en espionne.
J’ai fait ma première mission personnelle, et franchement je me suis débrouillée plutôt pas mal, si on laisse de côté quelques petits aléas. Je m’imagine très bien avec un nom de couverture du genre Cléopâtre ou Aliénor … Ça claquerait ça, non ?
Bon, en attendant, il faut que je te raconte pourquoi j’espionne. Alors voilà, il y a quelque temps, au boulot, je me suis rendue compte que des fichiers avaient disparu dans mon PC. Au début j’ai cru que je les avais supprimés par erreur et que je ne m’en souvenais pas, à cause de mes troubles de la mémoire (tu te souviens la chute de vélo, commotion cérébrale etc ?).
Mais non, j’ai bien vérifié partout dans mon ordi et rien ! Ça m’a intriguée parce que je me rappelais clairement avoir bossé sur une charte graphique, et que ce que j’avais fait était vachement bien. Oui, un peu d’auto-satisfaction ne fait pas de mal de temps en temps.
Quoi qu’il en soit, après avoir passé deux heures montre en main à les chercher, j’ai bien dû me rendre à l’évidence : c’est comme s’ils s’étaient volatilisés dans la nature. Ce qui revenait à dire que j’avais travaillé deux jours pour rien sur cette charte graphique, et qu’en plus l’échéance pour rendre le projet arrivait à grands pas. Je ne te dis pas le stress !
Et puis un soir où je sortais prendre un verre avec Anaé (Lucie nous a lâchement abandonnées depuis qu’elle sort avec Etienne), elle m’a posé des questions qui m’ont intriguée.
Il faut que tu saches qu’Anaé est du style méfiant dans la vie. Elle a toujours l’impression que quelqu’un l’attend au coin de la rue pour l’arnaquer. C’est le genre de fille qui demande systématiquement les tickets de caisse au cas où, qui ne répond JAMAIS à un numéro de téléphone qu’elle ne connait pas, et qui n’achète pas un baume à lèvres s’il n’a pas un score de 100 sur Yuka.
Mais en même temps, j’ai dû me rendre à l’évidence : elle n’avait pas tort. C’était quand même très chelou cette histoire de fichiers envolés.
Alors j’ai décidé de passer en mode Cléopâtre (ou Aliénor, comme tu préfères). Ma mission : vérifier secrètement les ordis de mes collègues au boulot. Le hic : impossible de faire ça en journée. J’ai bien essayé entre midi et deux, mais ils ont trouvé ça trop bizarre quand j’ai dit que je n’avais pas faim et que je restais là. Tellement bizarre que finalement je suis partie manger avec eux quand même. C’est vrai que j’aurais pu trouver une meilleure excuse… J’ai toujours faim et je passe mes journées à dévorer des Kit-Kat.
Bref, il a fallu que je me rende à l’évidence : la seule solution, c’était d’y aller de nuit. Après tout, on a tous un jeu de clefs et le code de l’alarme. Facile !
Il y a deux jours, je suis donc partie du boulot à l’heure normale comme si de rien n’était. Une fois rentrée, j’ai mangé, en appel vidéo avec Anaé pour peaufiner le plan. Puis, à minuit je suis repartie au bureau. Ah oui, j’ai fait un dernier truc avant d’y aller, parce que je ne voulais pas prendre le moindre risque de me faire repérer. J’ai pris du Toplexil. Ça faisait plusieurs jours que je toussais suite à un rhume. Je n’allais quand même pas risquer de me faire choper à cause d’une toux !
Je dirais que c’est la seule erreur que j’ai commise.
Arrivée au bureau, comme une vraie espionne (enfin, je crois), j’ai agi méthodiquement. J’ai éliminé volontairement les ordis de Chantal et Christian. Chantal, parce qu’elle-même m’avait aidée à chercher les fichiers, donc je l’aurais vu si elle avait été coupable. Christian … parce que c’est notre boss. Pourquoi il supprimerait mes fichiers ?
Restait donc l’ordi de Lenny et celui de Mathis. Ceux des stagiaires, je ne les ai pas comptés.
J’ai écouté la petite voix dans ma tête qui me disait “Lenny … LENNY” ! Déjà, car il a toujours été un peu bizarre. Et puis j’ai bien vu que depuis mon pétage de plomb parce qu’il se coupait les ongles des pieds au bureau (précision : son bureau est à côté de MON bureau), il me regarde bizarrement. Quand il croit que je ne le vois pas, surtout. Et quand je me tourne vers lui, il tourne sa tête aussitôt comme s’il regardait ailleurs. Tu comprends pourquoi j’ai commencé par son PC.
Je me suis installée sur son fauteuil et j’ai allumé l’ordi. Je ne connaissais pas son mot de passe mais comme Lenny n’a pas beaucoup d’imagination, j’ai fait simple. Lenny1984. La date de naissance ça marche toujours. J’ai farfouillé un bon moment, affalée devant l’écran, et puis bim ! Mes fichiers étaient là, dans les méandres de sous-dossiers de sous-dossiers. J’ai sorti mon disque dur externe de mon sac et je l’ai branché pour tout copier. Et là, ça a été le drame.
Parce que ce que je ne savais pas, c’est que le Toplexil, ça fait dormir. Mais, du genre sévèrement. Et le temps que le premier fichier se transfère, j’étais déjà en train de ronfler sur le bureau.
J’en étais à rêver que je chevauchais une licorne au bord d’un volcan en éruption quand, dans le silence, le bruit d’une voiture qui se garait m’a réveillée (oui, nos bureaux sont au rez-de-chaussée, il n’y a pas de vue, c’est moins cher). Je me suis relevée en sursaut, et tu ne devineras jamais quelle heure l’horloge affichait … 6h du mat’ !!! J’ai tout débranché, refermé la porte et remis l’alarme à la vitesse de la lumière. De loin j’ai aperçu la silhouette de Christian derrière la porte d’entrée du bâtiment. J’étais bloquée ! Alors je me suis précipitée vers le placard utilisé par la boîte de nettoyage des locaux, et je me suis cachée entre un aspirateur et un balai serpillère. Pour une fois j’ai béni l’architecte qui a choisi de nous offrir un parcours labyrinthique entre les parkings et l’entrée de l’immeuble, et qui m’a laissé les dix secondes de répit nécessaires pour me jeter dans ce cagibi.
Depuis mon placard, j’ai entendu Christian ouvrir la porte, entrer, et s’exclamer « Font chier à laisser ces putains d’ordis allumés ! ».
Malgré ça j‘ai quand même ressenti un nouveau respect pour lui. Le gars arrive à 6h au boulot !!! C’est-à-dire trois heures et demi avant moi.
Je suis restée un moment assise à réfléchir. Christian ne s’était pas rendu compte que quelqu’un était entré cette nuit, déjà j’étais tranquille de ce côté-là. Et puis j’avais démasqué le coupable ! Lenny et son petit corps malingre ! J’avais une envie de lui faire bouffer ses coupures d’ongles de pied jusqu’à ce qu’il s’étouffe avec, je ne te dis pas ! Comme quoi Anaé a raison, il faut se méfier de tout le monde dans la vie. Pffff ….
Au bout d’une demi-heure, je suis sortie discrètement de mon cagibi et je suis allée à la boulangerie d’en face acheter des croissants. Ben oui, j’avais faim ! Christian a roulé des yeux ronds comme des billes quand il m’a vue arriver. Depuis deux ans que je bosse là, 6h30, c’était une première. J’espère que ça va me rapporter des points pour la prime de fin d’année.
A 8h tous les autres sont arrivés, et ça m’a fait réaliser que si je veux des points en plus pour la prime de fin d’année, c’est tous les jours qu’il faut que j’arrive à 6h30 pour rattraper le décalage avec eux depuis deux ans.
En me voyant, Chantal a immédiatement eu un air mi-choqué mi-connivence, du style Clémentine fait le Walk of Shame parce qu’elle porte les mêmes vêtements qu’hier. Ceci dit, là, je m’égare.
Mon vrai problème maintenant, c’est la guerre avec Lenny. Je ne lui ai encore rien dit, parce que la vengeance est un plat qui se mange froid, et j’ai réglé le congélateur sur -18°C. Une petite voix au fond de ma tête me dit que je devrais peut-être discuter de tout ça avec lui d’abord, pour savoir pourquoi il a piqué mes fichiers, mais pour l’instant je suis beaucoup trop en colère pour choisir cette option.
Clémentine
PS : je n’ai jamais compris ce concept de Walk of Shame. Perso je n’ai absolument aucun scrupule à coucher avec un mec le premier soir.
On co-écrit la suite ? 😀
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PS : moi c’est Myriam 👋. J’écris des histoires qui font du bien, et je suis en train de mettre le point final à mon premier roman. Si tu as envie d’entrer dans les coulisses de son écriture, c’est sur Insta que ça se passe 😊.
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